
À quatre mois de l’élection présidentielle, le leader du Front pour le Salut National du Cameroun et Ministre de l’emploi et de la formation professionelle Issa Tchiroma Bakary se rétire du Gouvernement. Sa démission, bien que prévisible, marque un tournant décisif dans la vie politique du pays.
Élite du septentrion, ancien opposant devenu fidèle allié de Paul Biya, le leader du FSNC rompt une alliance vieille de près de deux décennies. Cette décision qui continue de susciter des débats laisse entrevoir un basculement politique dans le pays en général et plus précisement dans les trois régions du grand nord. Régions longtemps considérées comme le bastion électoral du RDPC.
Un rupture prévisible
Depuis plusieurs semaines, les signaux de rupture étaient visibles. À Garoua, son fief, Issa Tchiroma n’avait pas mâché ses mots. Il avait dénoncé l’inefficacité du régime dont il faisait partie notamment son incapacité à répondre aux attentes des populations du Grand Nord. Issa Tchiroma Bakary avait même désigné le président Paul Biya comme le « responsable des malheurs » des populations locales.
Aujourd’hui, sa démission est loin d’être une surprise. Elle s’inscrit dans une logique de désaveu politique qu’il assume. Cet acte fort pourrait bien annoncer son entrer en course pour la présidentielle d’octobre prochain. Une hypothèse qui pourrait être confirmée lors du comité central du FSNC prévue à Garoua dans sa région natale.
Le Grand Nord, entre frustration et réveil politique
Le départ de Issa Tchiroma Bakary intervient dans un contexte de tensions croissantes dans le septentrion. Le « mémorandum sur les problèmes du Grand Nord », rédigé par un groupe d’anciens ministres, dont faisait partie Tchiroma a mis en lumière une série de griefs. Certains des problèmes décrits dans ce document sont toujours perceptibles. Il s’agit entre autre de la sous-représentation des ressortissants du grand nord dans les institutions étatiques, pauvreté persistante, désertification, sous-scolarisation etc. Ces frustrations, longtemps contenues, semblent aujourd’hui cristalliser un sentiment d’abandon et d’injustice.
Le départ de Tchiroma signe-t-il l’affaiblissement du régime ?
Selon certains experts en science politique, la perte d’un allié de poids comme Issa Tchiroma Bakary peut affaiblir le RDPC, surtout dans une région stratégique comme le grand nord. Le timing, à quatre mois du scrutin, est d’autant plus critique que d’autres figures politiques du Nord pourraient suivre le même chemin. D’ailleurs, des sources crédibles annoncent que Bello Bouba Maigari, Ministre du Tourisme et des Loisirs, président national de l’UNDP pourrait également lui emboiter les pas. Déjà fragilisé par la crise anglophone, le régime Biya voit ainsi s’élargir le front des mécontentements.
Une recomposition politique s’impose
Les analystes politiques expliquent que la démission de Tchiroma pourrait être le catalyseur d’une recomposition politique dans le Grand Nord. Si d’une part elle traduit une rupture personnelle, elle incarne, d’autre part, une dynamique collective : celle d’une région qui réclame sa juste place dans l’architecture nationale. Du reste, les observateurs avertis croisent les doigts et attendent de voir si cette décision débouchera sur une alternative crédible ou si elle sera récupérée par des ambitions individuelles.